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Le jongleur de gravité. 1999/2000

Loupe, visionneuse S8 «  modifiée «, film S8 en boucle, sèche cheveux, balle de ping pong, structure bois et métal, détecteur de mouvements. 
Vous vous penchez pour regarder. Déjà il faut faire un effort et fixer l’ « événement »
A travers un verre grossissant. Une soufflerie maintient en l’air une balle de ping-pong
Sur laquelle est projeté un petit personnage qui rebondit au gré du vent ainsi produit.
C’est tout. Là encore la machinerie fait partit du dispositif visuel : vous regardez un phénomène produit par un mécanisme, produit par un mécanisme … produit par …
Et ainsi de suite ad infinitum – du Gertrude Stein, si l’on veut. Cela n’a probablement aucun sens. L’absence de sens, c’est tout le sens de cet objet de foire. Vous êtes un badaud. Voilà le spectateur redevenu flâneur, béat devant le pur événement. Que le nouveau soit la répétition du même, Baudelaire l’avait déjà compris. Leroux, dont le cynisme glacial n’a rien de romantique, parodie la vérité de l’œuvre d’art actuellle avec une littéralité qui ramène à sa vérité : elle n’est que spectacle.


Richard Crevier juin 2000

Le transporteur de son 1999/2000
Instrument à vent III

2 souffleries, petit wagon téléphérique, 2 haut-parleurs, 2 tréteaux, 2 contrepoids en plomb, câbles(rails), sangles, 2 interrupteurs, platine K7, fil de Nylon.
Le spectateur entend un bruit syncopé, grinçant, et voit, sur la blancheur d’un mur, la projection, agrandie par un faisceau lumineux, d’une forme couchée, non identifiable, quoique nettement découpée, portée par un chariot exécutant une rapide navette bipolaire à un bref rythme régulier, au son de morceaux de John Coltrane (Leroux est musicien de jazz) dont le montage produit un effet d’accélération synchronisé au va-et-vient syncopé du mobile. Le regard est fasciné par l’écran lumineux, l’oreille tendue par le bruitage, l’esprit tout entier absorbé par le tempo insolite, sauvage et trépident, œil et ouïe saisie dans une rupture du temps/image qui rappelle tout à coup la locomotive affolée d’un Buster Keaton et le minimalisme d’une musique répétitive.
Cela n’aurait qu’un intérêt tout expérimental si, sous la mécanique du spectacle, le spectateur n’était pas renvoyé à lui-même, comme spectateur justement. Il se voit en train de regarder une chose en soi dépourvue de sens : comme dans du Becket. Sa fascination première le ramène à lui-même devant une chose énigmatique. Dans un monde dépourvu de sens, l’art peut-il en avoir ?


Richard Crevier juin 2000

 

 

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